La Lumière des na'arus

Epine errait souvent dans les grandes salles de l'Exodar, ces temps-ci. Elle allait parfois dehors aussi, pour faire le tour des iles et constater l'avancement des recherches et des travaux pour la purification de la nature souillée par les énergies du vaisseau écrasé là. Elle semblait souvent songeuse, taciturne, un peu moins souriante qu'à son habitude. Quelque chose la travaillait de l'intérieur. Lordvako était parti. Havéa ne donnait plus signe de vie. Tealkla et Tirinia semblait avoir disparu pour de bon. L'Amn Aleph ne changeait pas d'avis et semblait toujours refuser de comprendre. Elugan non plus ne se montrait plus. Décidément, construire une nouvelle nation en Azeroth revenait à construire sur du sable. Rien ne tenait longtemps. Pourtant, Epine refusait le découragement.

"On me reproche souvent d'être trop jeune. Mais tous les anciens sont trop attachés à nos vieilles traditions. On n'apporte pas Draenor sur Azeroth, on reconstruit sur Azeroth. La souplesse n'est pas le fort des anciens. Je crois que c'est pour cela que le Prophète m'a choisie. Il faut du sang jeune pour une nouvelle naissance. Qu'ils retournent à Shattrath, tous les vieux !"

Ainsi ruminait Epine. On la voyait descendre de plus en plus souvent en bas, pour rejoindre O'ros. Elle passe des heures en méditation à écouter la douce et sage musique émise par le na'aru. Parfois, de petites larmes perlaient aux coins des yeux de la draeneï. Elle a toujours été très émotive. Si la musique est le langage des na'aru, l'émotivité est celui d'Epine. Malgré tout, elle restait très calme et tenait très souvent sa fille Shineï par la main en déambulant dans les salles du vaisseau. Il fallait qu'elle apprenne, elle aussi.

Et Uktena ? La seule qui soit vraiment fidèle. Une fille élevée chez les kurénaïs, certes, mais sans doute bien plus vertueuses que la plupart des draeneïs qui se prennent peut-être un peu trop souvent pour le Prophète. Se baigner dans la Lumière du na'aru faisait du bien à Epine. C'est un peu comme des vacances.

Depuis le départ de son homme pour Draenor, Halvéa était emplie d'une rage sans fin. Une rage qui l'avait poussée à travers les deux continents avec toujours plus de hargne. S'entrainant tapant poussant criant, la Draenei donnait tout ce qu'elle avait chaque jour pour arriver à la cheville de son Feu père de la Main d'Argus. Quitte à revenir dans des semaines, ou des mois, elle reviendrait plus forte que jamais, prête à protèger son peuple de toutes les attaques. Ces échecs passés, à Un'goro, ou ses blessures nombreuses causées par les Dieux Anciens, n'avaient cessé de donner des coups dans la confiance et le moral de la guerrière. Ainsi remise en question, elle décida de ne revenir que quand elle serait forgée d'acier titan, et que son cœur supporterait la distance de celui qu'elle aime.

Bercée par la douce musique du na'aru, Epine méditait, pensait, rêvait. L'imagination est-elle qu'une chose qui fabrique des images, des bruits, des odeurs et des sensations inutiles ? Toutes ces choses étranges qui lui traversent l'esprit ont-elles un sens ou ne sont-elle que des gadgets sans lien de causalité qui ne font qu'encombrer l'esprit et détourner l'attention vers des rêves futiles pour celui qui les subit ? L'anachorète ne pouvait admettre cette idée que la nature créerait des choses inutile car, si l'on observe bien, rien ne se perd en ce monde. Aucun effet n'existe sans cause et aucune cause n'a point d'effet. "Alors, serait-ce que je ne sais pas m'écouter moi-même ?"

Elle se dit alors que si tant de chose lui échappaient c'est parce qu'elle refusait d'y croire. "Je suis sourde". Alors elle ouvrit grand son œil intérieur pour voir les images qui défilaient dans sa tête. Elle ouvrit aussi grand ses oreilles de dedans pour entendre les musiques, et tout le reste de son être pour sentir, goûter, toucher tout ce monde grouillant qui s'agite au fond d'elle-même. Et parmi toutes ces sensations inconnues l'une attira son attention plus que autres.

C'était une musique. Une musique étrange, douce, bienveillante. Les son l'enveloppaient et semblaient se transformer en choses palpables, en petites créatures vivantes, petits anges ou petits démons comme dans les contes pour enfant. Et chacune de ces créatures était un mot. Et chaque mot avait un sens et lui parlait doucement de choses gentilles et merveilleuses qui la rassurait et l'emplissait de bonheur. Et, bientôt, Epine se mit à danser, tourner, danser, virevolter... était-ce un rêve ou une réalité ?

Elle trébuchât et ouvrit les yeux. En se redressant, elle leva son regard vers le na'aru qui la dominait du haut de toute sa lumière. Elle étouffa alors un cri de surprise car, aucun doute n'était possible : O'ros la regardait avec une bienveillance que jamais elle n'avait encore ressentie auparavant. Elle comprit aussi que la musique qu'elle avait entendue en elle-même, les créatures, les mots qui l'avait entrainée dans cette danse folle, tout cela venait de lui, de sa bienveillance. Elle compris qu'il avait parlé, rien que pour elle et qu'il fallait apprendre à s'écouter soi-même pour comprendre les na'arus car leur voix viennent du dedans.

Un étrange sentiment de sérénité l'envahit. Elle retourna chez elle, souriante et calme, déterminée à donner à son tour cette même bienveillance qu'elle venait de recevoir.

Assise dans la chambre du na'aru, Epine ne dormait pas. Sa respiration presque imperceptible, et les légères vibrations sporadiques de ses paupières prouvaient qu'elle était dans un état avancé de méditation. Voyager dans les mondes intérieurs était devenu une spécialité pour elle. Voyages en elle-même, voyages dans l'esprit des autres, c'était ce qu'elle maîtrisait le mieux après la Lumière. Mais que les autres voyagent en elle-même, ça n'était pas arrivé depuis très longtemps. Pourtant c'est ce qu'il se produisait cette fois. Un être extraordinaire la visitait. Elle ne se rendit pas compte immédiatement de qui il s'agissait.

Les yeux fermés, elle se concentrait sur la Musique du na'aru ressentant le dégagement d’énergie de la salle. Au bout d'une longue heure de médication, elle fut absorbée par un tourbillon qui la transporta dans un lieu baigné de Lumière. Elle ne savait pas où elle se trouvait. Elle ne pouvait plus bouger et était environnée par d'étranges rochers lumineux. Elle se sentait étrangement bien, perdue mais sereine.

"qu'est-ce que c'est?" dit-elle.

C'est alors qu'un grand na'ru se dressa devant-elle. Il était majestueux, silencieux et bienveillant. La musique qu'il émanait lui semblait familière et devenait plus intense et brillante. L'image d'une relique s'éleva devant ses yeux et des sensations de plaisir la faisait frémir. Elle se sentait transportée. Bientôt, elle volait dans un paysage entièrement constitué de lumière. La relique prit la forme d'une coiffe, une coiffe pleine de lumière qui s'éloignait doucement...

Epine ouvrit alors brusquement les yeux, comme éjectée de son rêve. O'ros était toujours là, la surplombant. Il la regardait, elle en était sûre. Il lui souriait toujours. C'était lui qui lui parlait, elle n'en avait aucun doute. Elle se précipita pour s'agenouiller devant lui.

"Ô Grand Na'arou... c'est bien toi qui me parle? Je suis sûre que c'est toi... Merci Grand Na'arou... je vais comprendre.. je suis ta disciple et le resterai toujours."

Elle se mit alors à prier très fort pour le bonheur des siens. Tout ceci n'était-il qu'un rêve ? Peut importe. Il fut si réel que ces images, ses sons, ses sensations resteront à jamais gravés au plus profond de son être.

Les rêves d'Epine devenaient trop étranges. Un na'aru, une coiffe mystérieuse, une pierre rouge, des sensations agréables, désagréables, qui alternent les unes aprés les autres... et quoi encore ? D'habitude, elle était contente au réveil. Mais, cette fois-ci, elle était si troublée qu'elle décida d'aller en parler à Ishanah, la grande prêtresse de l'Aldor, à Shattrath.

Mais était-ce bien des rêves ? D'abord, ils n'arrivent jamais pendant son sommeil nocturne. Ils lui apparaissent en pleine séances de méditation. Le plus grand désir d'Epine est de se rapprocher des na'arus et c'est bien ce qu'il semble se produir. Certains verraient le désir de l'anachorète comme la manifestation d'un orgueil démesuré, comme une volonté de cotoyer les dieux, de se prendre pour l'un d'eux. Mais chez Epine, c'est une aspiration naturelle vers la Lumière, toujours plus de Lumière. N'est-pas cela que souhaite le Prophète ? On prétend même que Velen serait tellement proche des na'arus que, non seulement de comprendre et parler leur langue, il serait près de devenir l'un d'entre eux, en se transformant en un être de Lumière pure, complètement libéré de tout attachement matériel à ce monde. Hum ! Encore un rêve, mais si lointain pour une jeune draeneï...

Shattrath. Epine s'agenouille devant la Grande Prêtresse Ishanah.

- Epine : Sœur Ishanah, permettez que je vous importoune quelques minoutes pour des questions qui mes tourmentent depouis quelques... heures?
- Ishanah : * sourit * Quelques heures ?
- E. : Oui. J'ai fait un rêve qui me trouble et que je ne parviens pas à interpréter.
- I. : Raconte-moi ton rêve ma sœur.
- E. : Et bien.. un grand Na'arous se dressait dev.. derrière moi. Je me sentais bien... pleine et sereine. Ça mousique m'enveloppait quand une étrange sensation désagréable, quelque chose de démoniaque, comme ce qu'on ressent en contact avec des démons de la Légion Ardente... ce quelque chose m'a envahie et oune image d'oune coiffe est apparue. Elle... elle s'éloignait, ou.. non... elle disparaissait. Elle a laissé place à oune pierre rouge... Oui, c'est cela : oune pierre rouge. La sensation désagréable a disparoue et je me souis senti de nouveau bien. Le grand Na'arou me souriait. Il.. il avait la pierre sour loui. comme dans ses mains. Et il me la tendait, à moi, en souriant. Au moment où j'allais la saisir, je me souis réveillée. Ma fille était à côté de moi. Elle semblait inquiète. Elle disait que je tremblais... Oui, j'avais un peu froid... Voilà. Pouvez vous m’éclairer ?
- I. : Une pierre rouge tu dis ?
- E. : Oui, rouge comme le sang des houmains.
- I. : Que ce rêve soit ou non une prémonition, cela ne présage rien de bon.
- E. : Dois-je être inquiète, Grande Prêtresse?
- I. : Inquiète ? non tu ne dois pas.
- I. : Mais ... d’après toi, ma sœur, que serait cette pierre ?
- E. : Je ne sais pas. Il y a de nombreuses pierres rouges de par le monde. Nous en avons sour nos iles d'Azeroth. Les Sin'doreï en outilisent. Et... les Crépouscoulaires aussi, mais pas les mêmes.
- I. : Rare sont les pierres de rêve. Tu dis que ce rouge était le mémé que le sang des hommes ?
- E. : La couleur.. cela ressemblait. Oune pierre de sang peut-être. Mais les pierres de sang ne sont pas de la Légion. Je ne comprends pas.
- I. : Reste prudente. Cela peut être un moyen de t'influencer. Nos ennemies sont nombreux, et disposent de nombreux moyens pour changer les gens. Les rêves peuvent en faire partie.
- E. : Un Na'arou ne me ferait pas de mal, Grande Prêtresse ? ce.. ce serait inconcevable !
- I. : A condition que ce soit bien un Na'aru qu'il y avait dans ton rêve. * sourit, se voulant rassurante *
- E. : Oh!

Epine semble désappointée

- I. : Tu ne devrais pas t'en faire, il ne s'agit peut être pas que de rêve.
- E. : Grande Prêtresse... je... Je crois que... parfois, il m'arrive de comprendre.... O'ros... sa musique
- I. : *surprise* Tu comprends O'ros ?
- E. : Non, pas vraiment,.... je ne peux pas dire ça, mais... je comprends certaines images, des chose quand je suis en méditation.
- I. : Voila un privilège bien rare...

Ishanah fait signe a Epine de s'approcher, ce qu'elle fait calmement, avec respect, mais sans hésité.

- I. : Que comprend tu ?
- E. : Et bien.. son regard sur moi, sa bienveillance... et son appel... j'ai comme l'impression qu'il essaie de ma parler mais... comme dans une langue étrangère don je ne comprendrais que quelques mots. Ce ne sont pas des mots, mais je sais que c'est un langage. Et le comprendre... C'est mon plus grand souhait. *sourit à Ishanah.*
- I. : Je suis heureuse de te l'entendre dire. Il n'est pas simple de comprendre des êtres aussi ... complexes. Il y a peut-être un moyen.
- E. : Un moyen?
- I. : Il existe un objet, qui t'aidera a comprendre les Na'arus, très ancien et béni par leur sagesse.

Epine regarde Ishanah avec une lueur de désir dans les yeux.

- I. : Il s'agit d'un anneau, un petit objet pourtant si important.
- E. : Un anneau? oh!
- I. : * sourit * Oui. Il ne te permettra pas de les comprendre, mais t'aidera grandement.
- E. : Et où le trouver?
- I. : La est la question... j'ai perdu l'objet de vue il y a bien longtemps. Sa dernière position connu est dans la ville des orcs, dans Durotar.
- E. : *étonnée* Orgrimmar?
- I. : J'ignore encore comment il est arrivé là-bas. Mais il n'a jamais été ici.
- E. : Mais... comment pourrais-je trouvé un petit anneau dans une si grosse ville, remplie de.. d'orcs et de trolls? Un nom y serait associé?
- I. : Parle à leurs chamans, leurs arts n'est pas aussi éloigner de la lumière qu'ils voudraient le faire croire.
- E. : Oui... ça ne va pas être facile.
- I. : Tu pense donc qu'il est facile de comprendre les Na'arus ? *sourit*
- E. : Pis-je en parler ouvertement, leur dire que je cherche cet anneau?
- I. : Tu ne devrais pas avoir de difficulté. Mais ne leurs ment pas. Il n'y a que la vérité.
- E. : Bon... je vais... *s'interrompt et reprend, toute fière* je ne ment jamais, Sœur. Bien ! Alors, je vais.. y aller. Merci pour vos conseils et vos précieuses informations.
- I. : Reste confiante et tout ira bien.
- E. : *en souriant* Je reviendrai avec cet anneau. Que la Loumière vous baigne, Grande Prêtresse.
I. : Je t'attendrai avec impatience ma sœur. Que la lumière te baigne également.

Epine s'inclina avec le plus grand respect devant la Grande Prêtresse Ishanah qu'elle a toujours beaucoup admirée. Puis, elle partit, débordante de joie à la perspective de pouvoir peut-être atteindre son but bientôt... ou, du moins, de s'en approcher.

Jamais Epine n'aurait imaginé le chemin qu'elle suivait maintenant pour ses recherches sur la Lumière et les naarus. Après s'être retrouvée à Orgrimmar entre trois trolles qui lui ont fait faire un voyage mental dans le temps, voilà qu'elle doit se rendre à Piton-du-Tonnerre. Faut-il passer par les esprits pour atteindre le royaume des Na'arus ? L’anachorète était très désorientée. En même temps, elle s'en réjouissait car elle adore les voyages et les rencontres inhabituelles. Les taurens sont le peuple qui l'intrigue le plus et avec lequel elle avait peu de contact. Outre les sabots, la queue et les cornes, elle sentait qu'il devait y avoir d'autres points communs. Et puis... ses souvenirs lui revenaient. L'image d'un tauren très particulier l'habitait, celui qui, après avoir été si violent avec elle, avait fini par lui offrir son bien le plus précieux, ce bijou qu'elle porte encore... Kareythor. Le reverrait-elle un jour ?

Il fallait donc qu'elle se rende en Mulgore. Il fallait qu'elle n'y aille pas seule. Elle avait bien rencontré cette femme tauren il y a quelques temps, mais comment la retrouver ? Peut-être demander aux kal'doreïs ? Peut-être aux druides du Cercle Cénarien ? Peut-être Uktena ? Elle chamane après tout.

Epine avait une particularité que seuls ses amants avaient pu connaître. Quand un sentiment profond l'animait et provoquait une émotion intense en elle à travers une action, elle brillait. La Lumière s'échappait d'elle tout naturellement et la faisait ressembler à une lampe vivante. Cela se produisait très rarement. Jusqu'à récemment, seul l'amour était capable de provoquer cela. Mais, depuis quelques temps, depuis qu'elle avait des visites mentales des na'arus dans ses méditations et qu'elle parvenait parfois à comprendre leur musique, cela se produisait en d'autres circonstances. Il semblait que l'ardeur d'une émotion puissante, quelle qu'elle soit, suffisait maintenant le déclencher. Epine était plutôt embarrassée car elle craignait de ne pas pouvoir le maîtriser. Si ce phénomène qui ne se produisait que lors des plaisirs des étreintes intimes pouvait maintenant apparaître n'importe quand, c'était très gênant. Elle décida donc de descendre dans le sanctuaire du Na'aru de l'Exodar, auprès d'O'ros, pour méditer et obtenir des réponses.

Elle n'eut pas très longtemps à attendre. La musique d'O'ros la berçait et un éclat particulier vint la toucher tel un flocon de Lumière. Une immense sensation de bien-être la remplit alors et la Lumière jaillit d'elle à cet instant. Il n'y avait plus aucun doute : c'était bien un le don des na'arus qui prenait en elle une forme particulière. O'ros, une fois e plus, lui avait parlé et remplie de bonheur. Comment expliqué cela au autres, maintenant ?

Chacune de ses séances de méditation aux pieds du Naaru était pour Epine un pas de plus vers leur monde. Les êtres de lumière ne s'expriment pas avec des mots mais savent se faire comprendre de ceux qu'ils estiment dignes et aptes à saisir leur sagesse immémoriale. On ne trompe pas un Naaru. Epine était très jeune et O'ros le savait. Mais en même temps, très peu de ses frères et sœurs n'avaient autant de prédispositions à recevoir leur sagesse et recueillir leur savoir. Même de ses proches elle avait du mal à se faire respecter. Ce qui impose le respect, ce sont les signes extérieur du pouvoir. Comme dans le règne animal, celui des humanoïdes est dirigé par une seule loi : celle du plus fort. Mais la marque du pouvoir est aussi celle de la maîtrise des émotions et des sentiments. Il faut savoir se montrer dur. Comment le faire quand on l'est pas ? Avoir des sentiments, être émotif, est-ce être faible ? "Surement pas", se disait Epine. C'était donc une épreuve du feu. Si elle parvenait à dompter son coeur sans le tuer, elle aurait gagné.

Une image de Shattrath lui apparut. Elle n'avait pas vraiment connu cette ville avant la guerre. Mais avait remarqué une chose : Depuis sa reprise et sa reconstruction par les Sha'tar, elle s'était renforcée, plus déterminée que jamais en faveur de la paix. La bienveillance du Naarus A'dal forçait le respect. Mais comment faisaient-ils ? Si seulement il en était de même à l'Exodar ! La seule chose qu'elle ne parvenait pas à admettre et qu'elle refusait de voir était que même les non-morts étaient acceptés à Shattrath. Comment le Naarus tolérait-il ces abominations dans sa ville ?

O'ros restait silencieux. Ou plutôt non. C'est Epine qui restait sourde. O'ros baignait sa chambre de sa musique, comme toujours, mais Epine ne lui accordait pas assez d'attention. Ses pensées empêchaient sa concentration. Elle s'en rendit compte et reporta son attention sur sa musique, s'excusant silencieusement de son manque de respect. Elle ressentit alors l'immense bienveillance du Naaru à travers les sons magiques qu'il émettait et qui entraient en elle par tous les ports de sa peau. C'était comme un grand sourire qui parlait. Il lui disait qu'il avait besoin d'elle et de gens comme elle pour que la sagesse des siens puisse devenir une réalité dans ce monde. Elle réalisa comment son Prophète comprenait les Naarus et l'importance qu'il avait pour eux. Elle crut entendre également le nom de Khadgar et compris que la compréhension des naarus n'était réservée qu'à sa seule race. Rares étaient ceux qui pouvaient comprendre les naarus mais encore plus rares étaient ceux qui pouvaient le faire à distance et obtenir des visions prophétiques. Velen était de ceux là. La Grande Prestesse Ihanah s'en approchait. Mais même si cela était son rêve, Epine savait qu'il faudrait encore beaucoup de temps et d'efforts pour les égaler. Elle reçu pourtant une vision, et celle-ci la fit trembler. Ombrelune. des nuées de démons s’engouffrant par un portail, envahissant tout Azeroth en commençant par... Brume-Sang. Elle vit aussi le Grand Temple Karabor, rempli d'autres démons, et leur chef trônant en son cœur. Elle vit un grand éclair de Lumière illuminer le ciel noir déchiré par des pluies de météorites. Elle vit X'iri et la montagne de lave verte cracher son venin sur tout le pays. Horreur, souffrance et, tout à coup, la Lumière inondant tout.

Epine poussa un cri, ouvrit les yeux. Elle prit conscience qu'elle était toujours là, baignant dans la musique rassurante d'O'ros. "N'ai pas peur", semblait-il lui dire. "Tout cela a un sens que, bientôt, tu comprendras". C'est alors qu'elle s'endormit comme les bras du naaru, dans long sommeil sans rêve réparateur.

Folle ? Sans aucun doute. Rendu folle par tant d'amour et d'espoir brisé. Et c'est encore sur elle que la faute est rejetée. Soit ! De toute façon, chacun est responsable de sa vie et de ce qui lui arrive. Elle aussi. Elle regardait le plus grand des naarus du monde. Assise à ses pieds, elle baignait dans sa musique. Khadgar, Almonen et Tiras'Alan la regardaient. Ils la connaissaient bien car il faut un temps où elle était responsable de l'orphelinat et de l'infirmerie de la ville. Elle y eu même sa première collaboration avec un sin'doreï : Sinrael. Certains prétendaient qu'il y avait plus qu'une collaboration mais ça, c'est une autre histoire. Tout était embrouillé dans la tête d'Epine et, visiblement, personne n'avait suffisamment de patience, et donc d'amour, pour la tirer de là. Errance mentale, errance physique, lute, abandon... un feu intérieur couve pourtant encore quelque part, un feu qu'elle tentait sans doute de rallumer en priant A'dal, les larmes aux yeux.

Uktena était partout. Absente et partout à la fois. Tout se mêle dans sa mémoire. Shattrath, l'Exodar, Telredor... L'appartement du champignon où elle vécue avec Ukte et Dornaa était vide et toujours imprégné de l'odeur de la long-voyante, comme-ci elle y était passé il y a peu. C'est sans doute ce qui rassura Shineï qui s'endormit d'un coup dans le petit lit qui était encore là. Epine voulut acheter cet appartement en la mémoire de cette époque, comme pour sauver son patrimoine, mais elle apprit qu'il appartenait toujours à son amie. Tant pis ! Au moins, il sera remeublé.

Uktena est sans doute la créature la plus difficile à aimer. Essayez donc d'aimer un loup ! De l'amour, elle aime en recevoir mais c'est un sentiment qui va au delà du simple instinct animal de conservation de l'espèce et un concept qui échappe à son entendement. Pour Uktena, les choses son simples : il faut être fort. Si c'est la cas, elle vous écrasera dans ses bras. Sinon, elle vous ignora tant qu'elle ne vous trouvera pas un intérêt en tant que proie. Epine tentait d'échapper aux démons de la folie et, pour la long-voyante, c'était une signe extérieur de faiblesse. Elle n'intéressait donc plus Uktena. rien n'était plus à attendre de ce côté là. Torgann l'ayant abandonnée, Dornaa étant vite découragée, il ne restait plu que...

...ceux qui ont la force, la sagesse, la compassion, la bienveillance nécessaire : les naarus.

Même si la musique du naaru baignait Epine, elle n'en percevait pas le sens, et ses prières ne parvenaient pas à percer l'épaisse couche de folie qui enveloppait son esprit comme une armure de protection antidouleur. Sans doute que le temps l'usera, mais, pour l'instant, rien ne passait.

La vie allait malgré tout suivre son cours. Il faudra ré-apprendre à marcher, comme un accidenté grave qui, peu à peu, retrouve l'usage de ses jambes.