Murmure du Crépuscule
"Une retraite, c’est une retraite de tout, ne croyez-vous pas ? Moi, quand j’ai plus rien à faire ici, je me retire… Plus une goutte d’eau. Plus un rayon de soleil. Je me dessèche, de la tête aux pieds, en un petit cadavre sous un tas de feuilles… Les saisons me survolent sans me soupçonner… Et puis, un jour, la corneille raconte qu’elle a entendu au loin quelqu’un qui recommence à pleurer. Alors là, j’ouvre un œil, je rampe, mangeant la neige, léchant l’eau croupie… et mes ennemis tressaillent, car à me voir boire, ils comprennent que je suis de retour."
Le soleil décline. Sa chute inévitable s'achève dans une horizon blafarde et peu à peu les ombres dévorent les restes de lumières du soleil meurtri. Lazar le regardait. Assis là sur un rocher, les mains croisés, un curieux sourire aux lèvres. Ciel, couverture des anges, qui recouvre, tel un linceul, les vies palpitantes qui se débattent contre une torpeur salvatrice. Tandis qu'il murmurait du bout des lèvres des prières dithyrambiques, il savourait la chute journalière de la lumière écrasé par la pesante noirceur de la nuit. Pas un bruit, juste quelques gouttes d'eaux s'écoulant une à une dans les flaques. Beaucoup de larmes étaient tombé aujourd'hui. Lazar essuya dans sa cape la lame ensanglantée qu'il tenait du bout des doigts, sans la regarder. A ses pieds gisaient les corps de deux marchands sans armes et aux visages écorchés, se joignant, inerte, dans leur sang qui s'écoulait en petite cascade, dévalant lentement le monticule de pierre sur lequel Lazar les avait monté. Et lui, surplombant la scène, l'air mi-béat mi-perdu dans de noirs pensées, il chantonnait un triste refrain. Sous ses yeux s'étalaient le Norfendre, la toundra boréenne.
Voilà une semaine que le messager des dieux était apparu, lui confiant pour mission de rallier le troupeau vers les véritables divinités de ce monde. Depuis, plus rien. Il c'était rendu en pèlerinage dans les terres glacés du grand nord appelé par une force vivant profondément en lui.
Lazar fut pris d'un mouvement de colère, il fit un grand mouvement de bras, éjectant le bol rempli de sang, posé préalablement ses cotés, qui s'écrasa sur le sol éclaboussant l'homme furieux au passage. Puis il se jeta à genou dans une complainte hystérique.
"Pourquoi Maitre ?! Pourquoi ?! Malgré mes efforts et mes sacrifices tu reste silencieux, faisant la sourde oreille à mes appels, où es-tu ?! Que dois-je faire...? Je ne sais plus..."
Puis, l'homme usé, les genoux dans la neige taché de sang, près des deux corps des malheureux marchands, se mit à pleurer.